Sa fiction
Sa fiction

Sa fiction

– J’ai peur des gens. Scared as hell. D’ailleurs non, ce n’est pas des gens que j’ai peur, c’est d’être connectée à eux. Ils sont là, avec toutes leurs émotions et leurs failles et leurs jugements et leurs intentions, et tout ça contenu dans leurs regards et moi je suis censée m’en occuper alors que j’ai déjà tellement de tout ça à l’intérieur ?
– Je sais.
– Bien sûr que tu sais.

Il m’a regardée, ou peut-être qu’à ce moment-là c’était elle – je ne sais plus bien, je crois que je me demandais encore comment elle avait bien pu se retrouver là. Il m’a regardée avec ses yeux à elle et ses paupières à lui, tellement désirables. Elle était belle, là, dans son regard, et elle ne savait pas comment en sortir.

– Où est-ce que c’est passé ?

Il a fallu que je le regarde à nouveau, alors qu’à chaque fois c’était plus difficile d’en réchapper – mais il fallait que je sache. Je l’ai regardé en me demandant s’il se moquait de moi. Il avait l’air d’un écorché – ses lèvres, surtout, et l’implantation de ses cheveux. Je l’ai regardé, et s’il se moquait de moi, eh bien il ne le savait pas.

– Je ne sais pas. Peut-être que je l’ai oubliée quelque part, dans le lit d’un amant ou au détour d’une ruelle sombre. Ou bien c’est elle qui est partie. Elle s’est tenue là quelques temps, sur le pas de la porte. Elle s’est retournée et m’a regardée, et je ne la voyais pas – elle a attendu quelques temps et puis elle l’a franchie, et ensuite peut-être qu’elle s’est murée à l’extérieur puisque je n’avais pas su la rappeler à temps.
– Tu penses ?
– Non. Elle ne ferait pas ça. Elle ne s’est certainement pas retournée.
– Et si elle se retournait en ce moment même ?

Son regard avait toujours été un bloc de granit. C’était la première chose qui m’avait effrayée. Il y avait quelque chose derrière qui se sentait mais ne se laissait pas définir. Et maintenant il me regardait avec une intensité qui me donnait envie de m’y cogner la tête jusqu’à ce que l’un ou l’autre cède pour de bon.

– Si elle était toujours là et que c’était toi qui construisais les murs ?

Était-il seulement encore là ?

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