F(r)ictions
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F(r)ictions

« Il faut que tu réalises, vois-tu, qu’il y a un moment exact où tu as perdu ma confiance. Ce n’est pas si commun ; ou l’est-ce, de pouvoir dater et documenter ce genre d’événements ? Celui où tu lèves la main pour frapper l’enfant avant de t’excuser en promettant que tu ne ferais jamais ça, que ça n’arrivera plus. Celui où tu lâches devant ton amie victime de viol, “Je n’ai que ta parole”, cette fraction de seconde et de phrase que tu tentes de rattraper immédiatement en lui assurant : “Mais je te crois, évidemment.” Mais il est trop tard pour l’évidence. Ce n’est peut-être pas la seule chose ; sans doute est-ce la dernière d’une série de micro-circonstances, de non-circonstances pour toi, même, qui se sont accumulées sans qu’aucun des deux en ait conscience ; mais peut-être aussi que, jusqu’à cet instant, tout était réparable, pardonnable, oubliable. Peut-être qu’à elle seule, cette phrase n’aurait pas suffi à tout foutre en l’air ; peut-être que si. Il n’y a pas de moyen de revenir en arrière pour le savoir.

Et je n’ai plus confiance en toi.

Ma confiance, vois-tu, apprend. Elle ne s’est pas roulée en boule sous les coups – elle sait maintenant que ça ne sert à rien. Elle n’a pas tenté de revenir, de s’approcher puisque tu ne le ferais pas. Elle s’est contentée de partir, et ne s’est même pas donné la peine de rédiger sa propre note d’adieu. Elle a laissé ma colère s’en charger – te dire quoi, pourquoi, point par point. Pas dans l’espoir que tu comprennes, mais répondant à l’obligation morale de te laisser l’occasion de grandir de tout cela. Mais elle n’a pas passé plus de temps que nécessaire sur ton cas, surtout pas.

Elle a eu raison. »

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