Naissance d’une addiction
Naissance d’une addiction

Naissance d’une addiction

Il y a quelques jours, j’ai écrit ça dans mes pages du matin :

Ne sois pas ridicule. Bien sûr que c’est un caprice.
Quand cette pensée m’a-t-elle déjà stoppée ?
Je vis de caprices. Ne me juge pas, ou juge-moi peu importe. C’est par des caprices que je change mon monde. Et j’en suis bien heureuse.
Car les caprices sont, par nature, irréfléchis, irrationnels, ils se fichent bien de savoir ce qui est possible et ce qui ne l’est pas.
Ce qui rend les miracles plus courants.

Je suis aux États-Unis.

Je sais que vous savez, mais j’aime bien le répéter tant que j’y suis. Pour mieux en profiter, en quelque sorte.

Et il y a un peu plus d’une semaine j’ai pris une décision merveilleusement insensée, follement brutale et glorieusement stupide : je me suis dit « Tiens, et si j’allais de Los Angeles (Californie) au Antelope Canyon (Arizona) ? Et pourquoi pas le faire en stop ? »

Pourquoi pas, en effet. Il m’aura fallu presque un mois pour faire exploser ce blocage-là, mais pourquoi pas ? Cette petite aventure a nettement révélé chez moi ce que j’appellerais des Chris McCandless issues, que la vie et les personnes tentant de faire de moi une adulte avaient réussi à étouffer jusqu’à la prévisible et nécessaire explosion qui attend toute personne qui essaie d’enfermer sa propre nature. L’explosion s’est produite, et passé les premières semaines de terreur, passée la Résistance, c’est un sentiment formidable.

J’ai l’air égoïste et inconséquente mais la vérité c’est que je n’ai jamais été à ce point en mesure de faire du bien autour de moi, et que ça va continuer.

En 2012, je suis allée en Camargue avec Julie. Avec elle, j’ai fait du stop pour la première fois. Il serait plus juste de dire qu’elle a fait du stop et que je suis montée dans la voiture avec elle. Plus tôt cette année là, j’ai rencontré Mathieu, à qui cette citation de Victor Hugo me fait toujours penser :

« Et puis, il y a ceux que l’on croise, que l’on connait à peine, qui vous disent un mot, une phrase, vous accordent une minute, une demi-heure et changent le cours de votre vie. Vous n’attendiez rien d’eux, vous les connaissiez à peine, vous vous êtes rendu léger, légère, au rendez-vous et découvrez qu’ils ont ouvert une porte en vous, déclenché un parachute, initié ce merveilleux mouvement qu’est le désir, mouvement qui va vous emporter bien au-delà de vous-même et vous étonner. »

Et il m’a fait ça. Exactement ça. Il était exactement ce que j’avais toujours rêvé d’être. Il était bien trop avancé par rapport à moi sur le chemin pour m’y guider. Mais il a ouvert la porte. Ce jour-là, il m’a demandé pourquoi je n’avais pas encore commencé à voyager. J’ai dit que j’attendais d’avoir quelqu’un avec qui partager ça, que je trouverais ça dommage et égoïste sinon. Je pense qu’il n’était pas d’accord. Il ne m’a pas contredite. Mais quand, en début d’année dernière, je me suis retrouvée toute seule avec mes billets pour le Japon sans l’avoir prévu, j’ai repensé à cet échange, et je me suis dit : « Bullshit. Je n’ai besoin de personne. J’y vais, point. » Et c’était vrai.

Plus tard en 2012, j’ai rencontré un chevalier de gouttière que l’on disait poète maudit ; une histoire très drôle. Il vivait au fin fond de la montagne, dans ce qui est devenu un de mes endroits préférés au monde, et l’un des rares en France qui ne soit desservi par aucun transport en commun. Au début, je prenais le taxi, mais un jour j’en ai eu assez et j’ai fait comme lui. Je me rappelle très bien de la peur qui m’a prise au ventre quand j’ai tendu le pouce pour la première fois, toute seule sur cette route que je connaissais pourtant par coeur. Je n’avais pas peur qu’il m’arrive du mal, non, je me disais : Et si je fais mal ? Et si personne ne me prend ? Et si tout le monde me trouve ridicule avec mon sac et mon pouce ? Des questionnements dictés par la logique et non par la peur de devenir qui j’étais comme on le voit. Still, mon record n’a jamais dépassé les 50 kilomètres.

Bon et puis là j’ai fait presque 1000 kilomètres en deux jours. J’ai battu au passage le record de Camille, qui m’a promis cet été qu’il écrirait un livre sur le hitchhiking si je terminais le mien sur la pose. Et ensuite environ 1500 au retour, toujours en stop et toujours en deux jours.

Normal.

Franck m’a toujours dit que j’étais radicale dans tout ce que je faisais, j’ai appris ce matin que Mathilde et Anaël me surnommaient le bulldozer de cristal. Le bulldozer qui pense qu’il est fragile.

J’ai ri et un peu pleuré d’amour en même temps parce que c’est trop vrai.

Parce que. Arrêtons la moquerie. J’ai confiance en moi. Et je crois en l’être humain, suffisamment en tout cas pour me planter sur une entrée d’autoroute sans même une pancarte et pour monter dans des voitures inconnues sans une once de peur et pour rencontrer des gens magnifiques. Mais ça, c’est pour un autre article, à la fin.

Je ne suis certes pas encore exactement là où je veux être, pas aussi radicale qu’un Chris McCandless – il faudrait pour cela que je refuse de laisser savoir à mes amis que je suis en vie pendant les trajets, et je n’en suis pas encore là, et puis le moment où il meurt ne fait pas partie de mes plans -, mais j’avance, petit à petit. Toujours plus avant. Toujours plus près de la personne que je voulais déjà être quand, petite, je me suis rendue à la mairie de mon village pour savoir si je n’avais pas été adoptée et si mes vrais parents n’étaient pas des Amérindiens. Vous pouvez rire. Vu ma bouille blonde et mes yeux bleus, l’employé d’État-civil ne s’en est pas privé quand j’avais sept ans. Mais bon. Je dépasse mes limites, une à une. Plus loin.

Et ça vaut le coup, putain. Je suis vulgaire mais je ne m’excuserai pas pour ça.

Je ne vous raconterai pas mon voyage pour le moment, mais j’ai eu cet échange sur la peur à plusieurs reprises – dans presque toutes les voitures en fait -, et je trouve que son contenu s’applique à presque tout, donc voilà :

La peur, en fait, elle est là pour vous empêcher de commencer les choses. Comme dit Pressfield, « the hard part is not the writing itself, it’s to sit down to write ». C’est pareil avec le voyage, avec n’importe quoi. Une fois que vous êtes dedans, il n’y a plus d’échappatoire. Alors la peur s’en va. Elle n’a plus de raison d’être.

Parfois commencer est suffisant pour ne plus avoir envie de s’arrêter.

(Et je suis toujours mauvaise en photos de paysage par contre)

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3 commentaires

  1. C’est très étrange comme les sentiments peuvent être différents sur un même sujet … Je veux dire : ça ne m’est jamais venu à l’esprit que ça pouvait être égoïste de voyager seule, en stop ou autrement. Au contraire, ça implique de s’ouvrir aux autres, de sortir de ses habitudes de manière un peu forcée et de s’adapter à un nouvel environnement à sa façon, sans compter sur quelqu’un d’autre pour nous y pousser. Du coup, c’est drôle de lire ça et ça me change de ce que je lis d’ordinaire ! Par contre, pour des gens autour de moi, ça semblait clairement un caprice (ça tu le dis, en revanche) mais ayant pris la sage décision de ne plus approfondir les relations avec ceux qui me balançaient « C’est indécent de dépenser son salaire là-dedans pendant que moi je me fais chier », ça ne m’arrive plus beaucoup. xD

    Et je te rassure, même quand tu as eu des parents nomades qui t’ont trimballée en road-trip toute ton enfance, avoir peur en commençant surtout si on parle de voyage en stop … bah c’est carrément normal. Moi j’ai commencé à utiliser ce moyen, en plus des moyens de transports « traditionnels », parce qu’un jour au Canada j’ai loupé mon car pour rentrer à Québec après 2 jours de rando. Dernier car, et je devais être au boulot le lendemain. J’allais pas demander à mes colocs de faire 2 heures de voiture, donc hop ! Et puis en fait c’était trop cool, j’ai recommencé ensuite en allant vers l’Ouest et j’ai jamais eu aucun problème.
    Est-ce que tu as utilisé « Hitchwiki » pour les USA ? C’est vraiment un super outil, bon là je tue peut-être le côté « voyage improvisé » mais tu trouves plein de conseils dessus et perso j’étais bien contente d’en lire certains avant de préparer certains trajets.

    En tout cas merci pour les photos, en lisant ça j’ai décidément la confirmation que « West is best », comme on dit 🙂

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