La femme sans nom
La femme sans nom

La femme sans nom

Ce texte est extrait d’un atelier d’écriture mené par Mélie Boltz Nasr sur la réécriture des contes de fées.

Elle sortit à pas comptés de la petite pièce et en refermant la porte derrière elle. Elle inspira à fond, tentant de calmer les battements de son coeur sur ses tempes, mais ne trouva, de nouveau, que le goût et l’odeur du sang qui l’avait encerclée, imprégnant ses jupons, ressemelant ses chaussures et teintant ses doigts alors qu’il avait fallu ramasser la petite clé. Elle avait verrouillé la porte derrière elle, comme si c’étaient ces pauvres femmes le danger, et cela plus encore que l’odeur de décomposition acheva de l’enrager.

Le goût de fer se diffusait de sa bouche dans le reste de son corps, raidissant ses muscles et durcissant ses pensées. On l’avait toujours dite douce et agréable, poétique même dans le regard qu’elle portait sur le monde, et elle sentit cette qualité s’évaporer hors d’elle avant que ne survienne la seconde vague d’adrénaline. Ce n’était pas le temps de la pleurer ; il y avait d’autres deuils, et deux de plus à éviter.

« Anne », prononça-t-elle. « Anne ! »

Sa petite soeur commença par s’effrayer du ton de sa voix, et il fallut toutes les cajoleries exaspérées du monde pour la faire descendre de sa chambre. Les pourparlers s’éternisèrent. La petite clé tâchée de sang ne suffisait pas à la convaincre qu’elle avait bien vu ce qu’elle disait, et il fallut ouvrir la porte et la laisser contempler les anciennes épousées avant de la laisser, enfin, sans explication rationnelle.

Alors, les deux soeurs se mirent au travail.