Autobiographie d’une couleur
Autobiographie d’une couleur

Autobiographie d’une couleur

Texte écrit durant un atelier d’écriture de Pauline Harmange.

Ils s’inquiètent tous de ce qui se passera ensuite. Dans quelques années, quelques décennies au plus. Chacun sa peau, celle de quelques autres au plus. Et moi ? Ils se répètent entre eux combien tout sera plus difficile une fois qu’il n’y en aura plus, la pauvreté, la pollution. Les flammes qui s’étendront avant de s’éteindre.

Mais eux, ils seront toujours là pour le vivre, ou d’autres pour se souvenir d’eux. Les plus vives aussi, en parlant de flammes. Il leur restera ça, et d’autres choses. Sous et au travers du plafond nuageux, elles seront toujours là. Elles se feront rares. Elles se feront précieuses, masquées avant de faner.

Mais moi ?

Ç’a été d’un glorieux, pourtant, ma naissance. Après toutes les autres. L’enfant chérie des magnats et industriels de tous poils. Bientôt, j’étais partout : dedans, dehors, et sur les vêtements des conductrices. Puis les bijoux, les objets, les cocktails, l’Art. Tout cela en si peu de temps, tout cela pour si peu de temps. On m’avait déterrée, nommée, adorée. J’étais devenue la coqueluche du tout-Paris. Adieu canard, adieu ardoises, et les rois on leur avait déjà coupé la tête depuis longtemps.

Mais s’il n’y en a plus ?

Qu’est-ce que je deviens, moi, une fois qu’ils ont tout pris ? S’il devient le mauvais souvenir d’une époque qui leur a tout pris avant de les abandonner dans les décombres ? Mais c’est de leur faute. Je ne leur ai jamais rien demandé. Je regarde l’époque s’effondrer et je me demande s’il vaut mieux leur oubli ou leur haine. Au fond, je crève de peur.

Où vont les couleurs lorsqu’il n’y a plus personne pour les nommer, plus rien qu’elles puissent décrire ?