« Okay ! Vous m’avez tous saoulée, j’écris un personnage apolitique, donc de droite. »
C’est à peu près ce qui s’est passé dans ma tête ce matin quand j’ai embrayé sur un second appel à textes (un troisième en réalité), auquel je n’avais pas pensé répondre mais dont j’avais quand même noté le sujet et le nombre de signes maximum attendu sur un post-it au-dessus de mon bureau.
Pourquoi ? La vie, le relativisme (auquel j’adhère en tant qu’objet de pensée mais que je choisis de ne pas absolutiser en l’appliquant systématiquement), les gens sur Internet qui s’écharpent sans rien connaître de l’autre et souvent pour leur droit à l’ignorance. Ça m’a énervée, car je suis une idéaliste qui persiste à avoir le sentiment de ne pas en faire assez – à raison d’ailleurs.
Je suis à une terrasse de café dans le centre de Bordeaux. J’ai sorti mon ordinateur pour continuer à travailler sur cette nouvelle. Une vieille dame vient de me cadrer accidentellement dans son selfie de terrasse et je suis d’assez bonne humeur pour lui avoir adressé un sourire via l’objectif. La vie, pour le moment, ça va.
Mais quand j’y réfléchis, ce n’est pas tant le fait qu’ils m’aient énervée – j’écris souvent des personnages en opposition avec mes aspirations, sans parler de mes opinions. Et c’est normal. Et les textes dont je suis le plus satisfaite, et ceux qui semblent plaire le plus, sont ceux où le personnage principal est une personne que je qualifierais d’horrible dans la vraie vie, qui raconte son histoire à la première personne.
La plupart du temps, ce qui le rend horrible c’est moins la radicalité de ses actions que son immobilisme patent. En commençant à lire The Artist’s Journey, qui n’est autre que la suite logique du voyage du héros selon Pressfield, j’ai regardé les fils conducteurs qu’il traçait dans sa carrière, dans d’autres carrières, le thème qui s’en dégageait. Le sujet.
Je suis trop verte, encore, pour savoir quel est mon sujet. Je connais plusieurs de mes enjeux ; c’est déjà quelque chose.
En analysant ce procédé qui revient suffisamment chez moi pour être qualifié d’habitude, je me demande : et si c’était ça mon objectif ?
Et si j’écrivais des personnages de losers parce que les autres n’ont pas besoin de mon aide pour évoluer ?
Et si c’était moi que j’essayais de faire grandir en les poussant vers le haut ?
C’est possible. Je ne sais pas encore bien quoi faire de ça. Je me remets au travail.